Nouvelle page
Marseille, au printemps, commissariat du troisième. Souade, une adolescente de dix-sept ans, sort de plusieurs heures de garde à vue. Lorsqu’elle rentre chez elle, dans un petit appartement de la Belle-de-Mai, elle aperçoit une vieille Mercedes de collection aux plaques suisses parqué en bas. C’est Jérôme, son oncle, qui l’attend pour la ramener chez lui, dans les montagnes valaisannes, pas loin du village d’Évolène. Alors que la mère de Souade lui demande où elle était depuis des heures, l’adolescente fait comme si elle avait oublié qu’elle devait partir.
Elle fait comprendre à sa mère qu’elle ne souhaite pas quitter son quartier, qu’elles en ont déjà discutés, elle ne partira pas. La mère essaie de la convaincre comme elle peut, mais Souade préfère fuir que d’écouter. C'est finalement Nabil, un grand du quartier pour qui elle travaille qui lui dit de saisir cette chance, que c’est peut-être la meilleure chose à faire pour elle. Il ne pense pas que ce soit une bonne vendeuse, et qu’au moins, là-bas, elle va pouvoir apprendre à faire quelque chose de ses mains, et puis il y a de l’argent en Suisse, ça vaut sûrement le coup. Il sort quelques billets, lui donne sa dernière paye et lui dit de pas trop réfléchir. Souade s’en va sans savoir quoi faire. Sur le chemin, son frère qui était à sa recherche lui tombe dessus et la ramène de force à l’appartement. Dans la cohue la petite liasse de billets de l’adolescente tombe par terre, et pour la punir, l’ainé garde sa paye.
C’en est trop. Ils ont peut-être tous raison et Souade, impuissante et en colère, se laisse convaincre. Elle décide de partir en se disant que de toute façon, là-bas, ça ne pourra pas être pire qu’ici.
En chemin, son oncle se montre sympathique et léger. Il lui parle de la Suisse comme d’un petit paradis, d’un endroit où il fait bon vivre. Il lui dit aussi que son garage marche bien, qu’il répare principalement les voitures de luxe des touristes anglais et américains qui viennent pour les vacances. Souade est passionnée de rap et de grosses voitures, elle lui dit qu’un jour elle aussi elle aura un gros « gamos » comme lui, ce qui fait bien rire Jérôme.
À leur arrivée, Souade rencontre Niels, son cousin de dix-huit ans, qui travaille comme mécanicien dans le garage de Jérôme. Il n’a plus du tout le même caractère qu’il y a dix ans. L’enfant joueur et plein d’énergie qu’elle a connue s’est aujourd’hui changé en un adolescent mutique, peu souriant. Pour couronner le tout, son visage tuméfié questionne Souade, mais elle n’ose rien dire. De plus, Jérôme change complètement d’attitude face à Niels. Souade s’étonne de voir le père et le fils se comporter aussi froidement entre eux. Niels apprend à Souade qu’ils vont devoir partage sa chambre, elle va prendre le lit et lui dormira sur un matelas par terre. Il y a bien une pièce qui pourra l’accueillir, mais le temps qu’il la vide de toutes les affaires entreposées, ça prendra plusieurs jours, et il n’a pas encore eu le temps de s’en occuper.
Souade prend ses marques dans la petite maison, et l'oncle lui fait savoir qu'elle a le choix ; soit il l’inscrit au lycée, soit elle va apprendre la mécanique avec Niels. Aucune des deux propositions ne lui plaît vraiment, mais pour elle l’école est une réelle une perte de temps et préfère aller au garage, même si ce n’est pas ce qui la fait rêver. Elle, ce qui l’intéresse, c’est de les conduire les voitures, pas de les réparer, mais qu’importe, ça sera toujours mieux de rester clouée à une chaise toute la journée. Jérôme demande alors Niels de la prendre avec lui au garage et de lui apprendre le métier. Le garçon rechigne, se plaignant de ne pas avoir le temps de faire le baby-sitter, mais son père le force, et Niels se voit contraint d’accepter. Les deux se rendent alors au garage, et Souade, bien que très peu passionnée par la mécanique, se trouve être débrouillarde et apprend vite, ce qui surprend Niels et les rapproche. Elle s’acclimate plutôt bien au lieu et à l’attitude des garagistes malgré la différence de culture et de caractère. Cependant, elle n’hésite pas à insulter un des mécaniciens pour des commentaires déplacés et lui fait bien comprendre qu’elle ne se laisse pas faire. Certains travailleurs sont mitigés à son égard, quelques-uns l’aiment bien, d’autres la voit comme un parasite et lui font savoir à demi-mot. Au fond, personne ne bronche vraiment puisque c’est la protégée de Jérôme, leur patron.
Les jours qui suivent, Jérôme tente de montrer les alentours à Souade lorsqu’elle n’est pas au travail avec Niels. Ils vont dans la nature environnante, dans le petit bar où Jérôme aime aller, les quelques endroits de divertissements du village et des alentours, mais Souade n’en finit pas de s’ennuyer et devient de plus en plus agressive. Lorsque quelque chose ne lui va pas où que quelqu’un a une parole de travers, elle démarre au quart de tour, ce qui surprend les gens du village qui commencent à se méfier d’elle. Certains ne manquent pas de lui rappeler que ce n’est pas une attitude à avoir, surtout pour une « frouze du sud » qui vient s’installer ici, ce qui l’enrage encore plus et pousse Jérôme à de moins en moins la prendre avec lui pour ne pas faire de vagues avec les gens du village. Elle se sent foulée. On lui a vendu un paradis, mais c’est juste une prison d’or vert, et elle se demande comment elle va bien pouvoir faire pour ne pas devenir folle ici. Cependant, lorsque sa mère l’appelle pour prendre des nouvelles, celle-ci n’ose pas lui dire qu’elle se sent triste, et pour rester fière, elle se met à lui mentir et lui dit que tout va pour le mieux.
Pendant ce temps, Jérôme est toujours plus dur et exigeant avec Niels. Souade le surprend même à l’insulter avec hargne lorsqu’il n’est pas satisfait de son travail ou de son comportement. Un autre homme se révèle derrière l’attitude gentille et douce du patriarche. En fait, il change de manière notoire lorsqu’il se met à boire, ce qui arrive presque tous les jours. Niels, lui, ne bronche pas devant les accès de colère de son père. Il encaisse, comme s’il avait toujours vécu ça, même s’il se fait rabaisser et humilier. Souade a plus de chance, elle sent qu’elle est épargnée. Peut-être parce qu’elle est nouvelle, étrangère au lieu, peut-être aussi parce que cet homme ne sait pas vraiment comment se comporter avec une fille de dix-sept ans. Elle finit d’ailleurs par lui demander ce qui l’a poussé à la prendre ici. Il répond que pour lui, la famille, c’est ce qu’il a de plus important, et que sa femme, Farah, la tante de Souade, décédée il y a plus de dix ans maintenant aurait été la première à l’accueillir et lui offrir la chance d’une vie meilleure. Souade a d’autres questions sur cette tante qu’elle aurait aimé mieux connaître, mais le père ne veut pas trop en parler, il préfère boire en silence. Niels aussi reste mutique. Le garçon semble tantôt intrigué, tantôt excédé par l’attitude de sa cousine. C’est comme s’il n’avait jamais vu une fille de son âge avec autant de poigne. De son cotée, elle aussi est intriguée par Niels. Malgré son côté pâte molle, elle reconnaît dans ses yeux une douleur qu’elle semble partager. Le problème, c’est qu’en dehors du garage, elle le croise peu, vu que lorsqu’il ne travaille pas, il sort avec ses amis et reste très mystérieux sur ce qu’il fait.
Un soir, alors que Niels rentre tard, Souade entend des bruits à la cuisine. Aucune parole, juste des bruits sourds, et puis plus rien. Alors qu’elle fait semblant de dormir, elle voit Niels se coucher sur le matelas au pied du lit que Souade occupe, et pour la première fois, elle aperçoit son corps marqué de bleus ainsi que d’anciennes cicatrices. Niels lui dira qu’il était ivre et qu’il est tombé en rentrant, mais elle n’y croira pas une seule seconde.
Malgré tout ça, des moments d’accalmie et de bonheurs arrivent parfois. Jérôme, même s’il n’accepte pas sa sensibilité, aime profondément son fils et sa nièce. Il n’a plus qu’eux dans sa vie, et ensemble, ils prennent l’habitude de boire certains soirs. Jérôme n’aime pas être seul et les pousse à s’enivrer avec lui. Les adolescents se laissent entrainer, et pendant un temps, l’agressivité disparait et quelque chose de plus léger prend le dessus, mais ces soirées se terminent souvent de la même manière, où Jérôme, trop imbibé, s’effondre sur le canapé du salon et ronfle de tout son être. Niels s’occupe alors de le mettre au lit, aidé maintenant par Souade.
L’adolescente découvre par la suite quelque chose que Jérôme et Niels essayaient de lui cacher. L’oncle fait parfois des terreurs nocturnes lié au suicide de sa femme, et lors de ses cauchemars horribles, Niels a pris l’habitude d’être proche de lui et de le réconforter comme il peut.
Par la suite, Souade souffre de plus en plus de cette solitude. Elle n’en peut plus de rester enfermer, et rentre dans des colères dévastatrices que Jérôme a du mal à supporter. Il se met à changer d’attitude, et devient de plus en plus violent et a du mal à se contenir. Pour pallier cette situation, il force alors Niels à prendre sa cousine avec lui lors de ses sorties. L’adolescent refuse, prétextant que ça ne lui plaira pas et qu’elle va encore semer le chaos. Mais le père est intransigeant, s’il ne la prend pas avec lui, il lui interdit de prendre sa voiture, ce qui oblige Niels à obtempérer, une nouvelle fois.
Souade ne comprend pas pourquoi il ne veut pas qu’elle l’accompagne alors qu’ils s’entendent de mieux en mieux. Seulement, bien obligé de l’avoir avec lui, il lui fait découvrir son groupe d’amis et les fêtes qu'ils organisent. Elle rejoint alors le petit groupe avec qui il passe le plus clair de son temps. Au village, ils sont connus par les jeunes sous le nom de CEU KI SAV car ce sont eux qui connaissent les meilleurs endroits pour organiser des raves, et que c’est souvent eux qui arrivent à trouver de quoi consommer. Souade découvre alors que lui et ses amis ne font pas que boire et fumer des joints. Ensemble, ils prennent tout type de drogues. Ils consomment en fonction de ce qu’ils trouvent, mais sont toujours en recherche. Niels fait promettre à Souade de ne rien dire à son père. S’il l’apprenait, il le tuerait. Souade, accepte de garder le silence, mais elle est plus que surprise, elle pensait que les gens ne consommaient pas comme ça en dehors des grandes villes. Niels lui apprend que si, ce n’est pas si rare de trouver des jeunes qui se défoncent autrement qu’avec de l’alcool et des joints à la campagne. Personne n’en parle vraiment, mais avec l’inertie et l’ennuie, ça pousse une partie de la population à consommer. Il se confie d’autant plus, disant que ça l’aide à supporter son quotidien, qu’il a bien pensé à partir parfois, mais le mieux qu’il puisse faire, c’est reprendre le garage de son père, et qu’au fond, il n’arriverait pas à le laisser seul, même si ça peut être une vraie ordure. Il l’aime, et il consomme, c’est comme ça. Mais il fait très attention. Il a toujours été à l’heure et en forme pour le travail et ne s’est jamais fait attraper. Il compte donc vraiment sur Souade pour la fermer.
Souade, elle, ne consomme pas, elle n’a jamais voulu toucher à ça. Même si ça a été toujours dur chez elle, que les hommes de sa famille et certains garçons du quartier ont pu être très violents avec elle, elle ne s’est jamais réfugiée dans la drogue dure, même si elle a vu des amis à elle foncer tête baissée dedans. Elle ne juge pas Niels pour autant, au contraire, le fait qu’il se livre les rapproche encore plus. Quelque chose de plus intime se développe entre eux. Ils prennent du plaisir à découvrir l’univers de l’un et de l’autre et une forme de jeu se met en place. Ils se vannent, se font écouter des morceaux de rap que l’un et l’autre connaissent par cœur, Niels va même jusqu’à emprunter des voitures de luxe du garage qu’ils sont censés réparer pour aller faire des tours et apprendre à Souade à conduire. Finalement, Souade traine de plus en plus avec lui et ses potes, ce qui crée une nouvelle dynamique dans le groupe qui questionne les autres, mais ils n’osent rien dire devant elle, comme s’ils la craignaient. Conscient de ce qu’elle provoque, Souade en joue, ce qui fascine Niels. Un jour, il lui propose même de faire partie du groupe officiellement, et doit pour ça, se faire tatouer leur devise ; ET QUE VIVE LE FEU avec une aiguille et de l’encre de Chine sur le corps, ce qu’elle accepte. Elle ne le montre pas, mais elle est très contente d’enfin faire partie d’un groupe, d’avoir des vrais amis.
Un soir, alors qu’ils rentrent tard d’une soirée avec Niels, ils remarquent que la lumière de la cuisine est allumée. Niels redoute ce moment, il sait que son père a passé la nuit à boire. Il conseille à Souade de passer par la fenêtre de la chambre pour rentrer, et que lui va passer devant, mais elle refuse, ils passeront les deux par la porte d’entrée. Alors qu’ils rentrent, le père, ivre, reproche aux adolescents de rentrer trop tard, mais leur dit que ce n’est pas grave, qu’ils vont pouvoir boire et parler avec lui. Niels et Souade refusent poliment, et tentent de rejoindre leur chambre, mais le père insiste. Il met de la musique, dit qu’il aimerait danser avec eux. Souade et Niels restent mutiques et froids, ce qui énerve le père, qui change d’attitude. Il provoque Niels, puis presque machinalement, se met à pousser son fils. D’abord comme un jeu, puis de plus en plus fort, jusqu’à devenir vraiment violent. Niels se défend comme il peut. Souade, elle, s’interpose, et l’oncle, hors de lui, la repousse brutalement. En rage, elle prend alors une clé à molette qui trainait par là et n’hésite pas à frapper Jérôme sur la tête. L’oncle lâche Niels et tombe par terre. Sonné, l’oncle qui n’est pas dans son état normal se met à hurler. Les deux adolescents courent alors se cloîtrer dans leur chambre en fermant à clé, laissant Jérôme se défouler sur le mobilier de la cuisine.
Ce soir-là, Niels et Souade dorment côte à côte, à l’affût du moindre bruit. Le lendemain, le père est déjà au garage et la cuisine est rangée. Alors que les adolescents arrivent pour travailler, l’oncle est froid mais agit comme si rien ne s’était passé. Seul son pansement au crâne trahit l’altercation de la veille. Comme d’habitude, les autres garagistes ne posent pas de questions. Ils ont bien compris qu’ils n’ont pas leur mot à dire sur la vie privée de Jérôme.
Après cet événement, Niels et Souade se lient encore plus d’amitié. Ils savent maintenant qu’ils n’ont plus à avoir peur l’un de l’autre. Jérôme, lui, tente bien de se racheter, mais il sent que les deux adolescents, sans le formuler clairement, se liguent contre lui dorénavant. Cette proximité l’attriste et le rend toujours plus méfiant. Il leur fait la promesse de diminuer la boisson, mais sans forcément y arriver. Il avouera même une fois à Souade qu’il est terrorisé qu’elle lui vole son fils, ce à quoi elle ne répondra rien, mais la déstabilisera fortement.
Pour elle, c’est clair, elle faut qu’elle trouve un moyen de changer cette situation, peu importe la manière. Et c’est lors d’une fête organisée par le groupe de Niels, dont elle fait maintenant parti, que lui vient une idée. Ces soirées réunissent des dizaines et des dizaines de jeunes toujours en recherche de quoi consommer, et que la plupart de ceux qui vendent le font avec un amateurisme total et n’ont jamais beaucoup de stock. Elle parle alors à Niels, lui dit qu’elle pourrait faire marcher ses anciennes connexions de Marseille pour trouver de plus grosses quantités et les vendre aux soirées. Niels et les autres sont perplexes. Ils aiment l’idée, mais ils ont peur. Souade, elle, au contraire y voit une opportunité de faire de l’argent et de changer de vie, et malgré la réticence du groupe, elle se lance.
Elle appelle alors son ancien dealer et ami pour qui elle travaillait, Nabil, et lui demande de l’aider. Celui-ci, hésite, puis finalement convaincu par Souade, accepte de passer quelques coups de téléphone. Il connait bien un type de Lyon qui est en contact avec une équipe de Genève. Deux jours après seulement, Souade reçoit un message qui lui dit de se rendre au quartier des Pâquis pour récupérer trois cents grammes de MDMA et cent grammes de speed. N’ayant pas le permis, elle demande alors à Niels de l’accompagner pour aller chercher le paquet. Il refuse d’abord, lui disant que c’est beaucoup trop. Souade tente de le persuader en lui disant qu’il sera payé, et qu’ils ont juste à récupérer la drogue et repartir, rien de plus. Niels hésite, puis finalement accepte à la seule condition qu’il puisse se servir pour sa consommation personnelle et pour celle de ses potes. Souade refuse d’abord, mais Niels est intransigeant. C’est tout ce qu’il veut. L’argent, il s’en fout. Acculée, Souade accepte alors, même si elle se sent mal de fournir directement son cousin.
Un samedi matin, ils prennent donc la vieille Mercedes de Jérôme et partent chercher leurs paquets. Ils s’habillent différemment pour se rendre plus vieux, conscients que le dealer de Genève ne les prendra pas au sérieux s’il se rend compte que ce sont encore des adolescents. Niels prend des habits à son père et Souade ceux de Farah. Il se trouve que dans la pièce qui devait l’accueillir, ce sont les affaires de sa tante décédée qui sont entreposées, celles que le père n’a jamais voulu jeter et que Niels ne s’est jamais occupé de vider. Ils partent ainsi pour Genève, et contre toute attente, la vente se passe bien. Sur place, l’homme était très professionnel, et même s’il a eu des doutes sur l’âge des deux adolescents, il leur a fait confiance. Pour ce qui est du paiement, c’est Nabil qui a avancé cette livraison à Souade, qui doit maintenant le rembourser.
Une fois rentrés, Souade et Niels préparent la drogue pour la revendre le soir même à une rave, et comme attendu, c’est un carton. Souade gère l’argent, Niels récupère sa part de MDMA et de speed, et même si Souade se sent mal de le voir se défoncer une fois la soirée terminée, elle se dit qu’ils ont accompli quelque chose de grand, et qu’avec cet argent, ils vont pouvoir continuer leur business. Mais évidemment, c’est trop dangereux de faire ça chez eux, avec Jérôme, alors ils réfléchissent à un endroit où ils pourraient stocker et préparer. Après réflexion, Niels connait l’existence d’une maison de vacances, apparemment vide l’été, qu’ils pourraient utiliser. Il faut juste qu’ils réussissent à rentrer, ce qui ne devrait pas être trop compliqué. Ils tentent l’opération, et se rendent compte que c’est l’endroit parfait, la maison est vide sans trop de voisins autour. Pendant ce temps-là, Jérôme tente toujours d’arrêter de boire, mais Niels et Souade se rendent compte qu’il le fait simplement en cachette, et qu’il ne l’assume pas. Un jour, il propose même de les amener à un parc d’attraction dans une ville voisine. Méfiants, les adolescents y vont, et passent finalement un moment agréable. Jérôme semble différent. Il vient même à parler de Farah, ils leur racontent comment une fois, dans le sud de la France, elle avait frappé un employé dans un train fantôme qui était payé pour faire peur aux gens. Niels ne se souvenait pas de cette histoire, et pose des questions. Quelque chose de léger et de beau arrive ce soir-là, la soirée étant à peine perturbé par le fait que Jérôme s’est caché plusieurs fois pour boire dans une petite flasque, se croyant à l’abri de tout regard.
Niels et Souade se demandent s’ils devraient faire quelque chose pour l’alcoolisme du père, en parler à un professionnel, ou tenter de lui dire d’aller en cure, mais impossible pour Niels de se lancer là-dedans, lui qui a aussi ses propres addictions. Ils n’en parlent plus, mais Souade, toujours déterminée à ne pas croupir ici, passe alors une deuxième commande plus grosse. Elle en profite aussi pour recruter le groupe de Niels pour vendre avec eux. Ceux-ci hésitent, mais finissent par accepter, et le plan de Souade marche à merveille. Ensemble, ils arrivent à revendre de plus en plus. Les garçons s’occupent d’aller en soirées, connaissent les petites routes à emprunter et savent ne pas se faire repérer. La seule ombre au tableau, c’est que Niels ne peut s’empêcher de consommer de plus en plus. Souade essaie de l'en empêcher, mais il la menace de ne plus lui apporter son aide et de décourager les autres si elle refuse de lui donner sa part.
Niels, lui, est convaincu qu'il gère bien la situation : il travaille au garage, vend, et fait la fête. Son père n’est au courant de rien, tout va bien. Surtout qu’en ce moment, Jérôme leur fait de plus en plus confiance, et il est moins sur leur dos.
Et malgré le rapport très différent qu’ils ont à la drogue, Niels et Souade se rapprochent toujours plus. Souade profite de l’argent qu’elle récolte, et s’offre, à elle et son cousin tout ce qu’ils n’ont jamais pu avoir. Des beaux vêtements, des sorties en boite à Lausanne et Genève, parfois même, des nuits dans des hôtels très couteux. Niels, qui au début était gêné de profiter de cette abondance, comprend rapidement le sentiment de Souade. Pourquoi eux n’auraient pas le droit à cette richesse ? Pourquoi devraient-ils s’empêcher de prendre leur part du gâteau ? Ils deviennent alors de plus en plus intimes, et leur amitié a quelque chose d’extrêmement précieux, comme s’ils étaient à eux deux la seule vraie famille qu’ils n’avaient jamais eue. Ils se sont bien poser la question de s’ils étaient amoureux, mais ils arrivent très vite à l’évidence que c’est bien plus que ça. Peut-être qu’il y a une part de désir, mais en soit, ils s’en foutent, ils savent juste qu’ils partagent des traumatismes passés, une souffrance du présent, et qu’ils sont plus heureux ensemble. Ils prennent alors l’habitude de dormir côte à côte. Cette proximité et cette douceur les rassurent, eux qui n’ont presque jamais vécu ça.
Pendant ce temps-là, leur commerce s’ébruite de plus en plus et un groupe de jeunes d’un autre village se met en tête de leur voler leur stock dans la maison de vacances, ce qu’ils réussissent. Mais Niels interroge des connaissances, et avec son groupe d’amis, ils retrouvent très vite la trace des voleurs. Ils réussissent à leur reprendre la drogue, et passent à tabac la bande rivale.
Tout revient en ordre, mais peu de temps après, un des voleurs les dénonce anonymement à Jérôme pour se venger. Tout s’effondre alors. Lui, qui tentait d’être plus compréhensif avec les adolescents, de moins boire, de changer d’attitude, se sent hautement trahi, et rentre à nouveau dans une rage folle.
Ce soir-là, Souade arrive à s’enfuir et va se cacher dans la maison des touristes qu’ils occupent secrètement, mais Niels, lui, n’a pas cette chance et Jérôme lui tombe dessus. Souade, n’a alors plus de nouvelles de son cousin, et le lendemain, même si elle redoute de croiser Jérôme, décide d'aller le voir. Lorsqu’elle arrive discrètement près de la maison, elle trouve son cousin alité dans un état lamentable. Jérôme l’a tout simplement fracassé. Folle de rage, elle décide d’aller voir son oncle, mais étonnamment, celui-ci reste calme devant Souade et lui dit simplement qu’il va la ramener à Marseille à la première heure demain, affirmant qu’elle a dépassé les bornes et qu’il ne peut plus rien faire pour elle. Impossible pour Souade, qui s’enfuit. Paniquée, elle parvient à s'échapper dans les bois, pourchassée par son oncle. Elle finit par le semer, et rejoint de nouveau la maison de vacances.
Elle appelle les amis de Niels, ceux de son groupe, qui la rejoignent aussi vite que possible, et ensemble, ils réfléchissent à un plan. Pour Souade, la seule solution, c’est de ramener Niels dans la maison avec elle, et ils aviseront ensuite. Impossible de le laisser là-bas. Les autres pensent que c’est une mauvaise idée, que c’est trop. Il faut peut-être qu’elle reparte à Marseille et que Niels reste avec Jérôme, mais pour Souade, c’est hors de question de le laisser entre les mains de son oncle. Les autres, mal à l’aise, ne sont pas d’accord. Elle est trop extrême et va trop loin. Ils l’abandonnent alors. Au fond du trou, apeurée et seule dans la grande maison de vacances, Souade, elle, ne lâche rien. Elle fera tout pour aller sauver le seul qui ne l’a jamais comprise.
Le lendemain, elle attend le petit matin, et s'infiltre alors dans la maison de l’oncle. Elle rentre en silence, une barre de fer à la main et s’introduit dans la chambre de Jérôme qui dort à poings fermés. Elle frappe. Une dizaine de fois. L’homme, en sang et assommé ne peut rien faire. Elle va ensuite dans la chambre de Niels, et elle réussit alors à trainer son cousin hors de son lit et le ramène dans la planque.
Quelques jours passent et Niels récupère gentiment. À leur grande surprise, ils n’ont pas de nouvelle de l’oncle. Souade vient même a pensé qu’elle l’a peut-être tué, ce qu’elle redoute, même si elle est soulagée qu’il ne réapparaisse pas. Après discussion, et alors que Niels va mieux, ils décident de vendre leur dernier stock avant de partir. Souade convainc son cousin de renoncer à reprendre le garage de son père et de la suivre à Marseille, que tout ira mieux là-bas. Avec l’argent qu’ils ont économisé, ils pourront faire ce qu’ils veulent. Pourquoi pas reprendre un garage même. Ils n’ont plus besoin de Jérôme. Niels hésite, il n’a jamais vraiment voyagé, ne connait que cet endroit, et même avec tout ce qu’il s’est passé, c’est toujours dur pour lui d’abandonner son père. Mais au vu de la situation, il acquiesce.
Ils remettent alors la machine en route, et finissent d’écouler leur stock le plus vite possible. Comme à leur habitude, ils vendent presque l’entièreté de la drogue dans les quelques jours qui suivent, mais un soir, Souade retrouve Niels, inerte dans la maison, victime d'une overdose. Sans réfléchir, elle l’amène alors à l’hôpital. Souade est dévastée. Elle ne peut s’empêcher de se dire que c’est à cause d’elle qu’il est dans cet état.
Deux jours passent, et Niels est toujours extrêmement faible, elle ne sait toujours pas quoi faire. Elle pourrait partir, ses dizaines de milliers de francs en poche, mais impossible de laisser Niels comme ça. Alors qu’elle retourne le voir dans sa chambre d’hôpital pendant qu’il dort, elle tombe nez à nez avec l’oncle, encore marqué des coups qu’il a reçu de Souade. Il ne dit pas un mot. Souade serre les poings, s’attendant au pire, mais l’oncle ne fait rien. Il est abattu par la situation de son fils, et sans un mot, se met à fondre en larmes.
Souade, reste debout, figée, elle ne sait pas quoi faire devant cet homme en pleurs qu’elle n’a jamais connu comme ça.
Lorsque l’oncle retrouve ses esprits, il propose à Souade d’aller boire un café à la cafétéria de l’hôpital. Toujours un peu méfiante, elle accepte tout de même. Jérôme se confie sur les derniers jours qu’il a passés après la venue de Souade, sur le fait qu’il a bien cru mourir lors de sa visite, et que les jours qui ont suivi ont été durs, mais qu’il a eu le temps de vraiment réfléchir. Lorsque l’hôpital l’a ensuite appelé pour lui annoncer que son fils avait fait une overdose, c’en était trop pour lui.
C’est à ce moment-là qu’il a pris la décision d’aller en cure de désintoxication, peu importe le temps que ça prendra, et que Niels va hériter du garage. Il ajoute que même s’il en veut à Souade, son passage à tabac a été comme un électrochoc nécessaire. Il rajoute qu’il ne se vengera pas, mais l’implore seulement de partir et de les laisser.
Souade met un temps, et lui répond seulement qu’elle espère qu’il arrivera à guérir de tout ça, puis se lève et s’en va, sans se retourner. L’homme reste à la table, ne sachant pas comment réagir.
Lorsqu’elle retourne dans la chambre pour prendre ses affaires, Niels est réveillé. Elle se rapproche de lui, et ils se mettent à discuter. L’un et l’autre s’excusent de leur attitude. Niels réconforte Souade, lui dit que c’est pas du tout de sa faute, que cette overdose allait arriver un jour ou l’autre. Il a eu le temps de discuter avec son père lui aussi, et lui dit qu’il aimerait qu’elle reste avec lui au garage. Ils pourraient le gérer tous les deux, vu qu’il sait maintenant qu’elle peut gérer un business. Les deux rigolent alors, mais Souade annonce qu’elle ne pourra pas. Elle va rentrer à Marseille, elle ne peut pas rester ici, même si elle ne veut pas le quitter lui. Niels lui dit de réfléchir, que ça va aller mieux, qu’ils vont faire des grandes choses ensemble, mais elle refuse. Jérôme a raison, elle a fait trop de mal ici, c’est le temps de partir. Niels n’est pas d’accord, il ne s’est jamais senti autant vivant et grâce à tout ça, il va pouvoir reprendre le garage, son père va aller en cure, et elle s’est fait un bon paquet d’argent, mais Souade ne voit pas ça du même œil. Ils se regardent alors un long moment dans les yeux, main dans la main, partageant la même tristesse.
Et puis, on toque à la porte. Derrière celle-ci, trois officiers de la police cantonale. Ils sont là pour Souade et lui annoncent qu’ils vont devoir l’emmener en garde à vue. Et alors que les trois policiers sont toujours dans l’embrasure de la porte, Souade regarde la fenêtre ouverte par laquelle un petit courant d’air passe, puis regarde Niels. Elle demande aux policiers si elle peut lui faire un dernier câlin avant de les suivre. Le chef accepte, mais lui dit de se dépêcher. Souade se rapproche alors de son cousin, le serre fort, et lui chuchote à l’oreille qu’elle va devoir emprunter la Mercedes une nouvelle fois. Niels sourit, et lui dit qu’elle est complètement folle si elle fait ce qu’elle s’apprête à faire. Elle sourit à son tour, et lui dit que c’est faux, qu’elle n’a jamais été folle, au contraire.
Elle se lève alors en une fraction de seconde et saute par la fenêtre. Les policiers, pris de court n’arrivent pas à la rattraper, et bien que ce ne soit pas si haut, eux n’osent pas sauter. Souade se rattrape comme elle peut, puis court alors à plein poumon, et se dirige vers le parking où se trouve la Mercedes. Elle rentre à l’intérieur, met le contact, et démarre. Les policiers sortent à peine de l’hôpital qu’elle est déjà loin. Sous adrénaline, elle crie de joie dans la voiture, tout en regardant dans le rétroviseur. Puis, petit à petit, alors qu’elle reprend son souffle, la joie laisse place à autre chose. Une tristesse la prend, mais elle refuse de laisser couler ses larmes.
Elle sert alors les dents, tient fermement le volant, et accélère.